Le processus efficace de la Nature pour faire circuler les électrons

TEMPS DE LECTURE ESTIME : 7MN

Par le Dr Olivier Alirol, physicien à la RSF, le 15 février 2019

  

La circulation des électrons est essentielle dans l’électronique mais également dans les organismes vivants. Alors les semi-conducteurs que nous utilisons dans nos ordinateurs sont principalement des cristaux de silicium, la Nature a trouvé une manière plus efficace de le faire : les protéines. La structure des protéines facilite les transferts d’électrons sur de longues distances. Des scientifiques ont démontré que des caractéristiques structurelles des protéines possèdent des éléments qui facilitent la conductivité électronique.

Ce phénomène est largement dû à la sélectivité du spin induit par la chiralité de la structure (CISS). Il cause en particulier une réduction de la rétrodiffusion élastique dans le transfert des électrons à travers les molécules chirales. En fait, la transmission des électrons nous montre que la forme des molécules chirales organiques agit comme un filtre à spin électronique ! Les effets du CISS nous donnent un aperçu important des processus de sélectivité des spins en biologie et nous permet d’utiliser des molécules chirales pour concevoir des applications spintroniques.

Le processus de transfert des électrons permet une transmission d’énergie et d’informations d’un endroit à un autre, dans un organisme vivant. Dès lors, la qualité du transfert des électrons est essentiel à la vie.  

Voir https://youtu.be/Xgo1kfI_QAs sur la chiralité (en anglais)

Cet effet chiral est notablement présent dans les molécules d’ADN ou dans le processus de photosynthèse. Dans le premier cas, la sélectivité du spin est observée et pourrait jouer un rôle essentiel au niveau quantique pour encoder l’information. Le rôle des électrons dans la transmission d’informations et l’effet CISS au sein des polymères d’ADN chiral ont été confirmé lors de précédentes études: Voir L'ADN agit comme un conducteur pour transmettre les signaux des électrons entre les protéines pour la réparation et la réplication.

Dans la photosynthèse, la haute conductivité des électrons est un composant clé du complexe photosynthétique protéine-pigment. La conductivité de l’appareil photosynthétique est due à sa géométrie particulière et à sa structure atomique. La principale fonction des complexes récoltant la lumière est de recueillir l’énergie-lumière et de transférer cette énergie aux centres de réactions afin d’effectuer le processus redox (réaction d’oxydoréduction) photo-induit dans lequel un transfert d’électrons efficace et de bonne qualité est essentiel.

La machinerie photosynthétique produit des électrons de très haute énergie qui devraient rapidement réagir avec d’autres atomes au sein du complexe. Cependant, à cause de la structure moléculaire unique et des propriétés quantiques des biomolécules au sein des systèmes vivants, les électrons sont transférés avec 100% d’efficacité au sein du noyau photosynthétique. C’est l’opposé du résultat auquel s’attendaient les physiciens, lesquels considèrent la cellule comme un environnement désorganisé et chaotique qui devrait être complètement inhospitalier pour maintenir des états quantiques. Cependant, grâce à la structure unique des biomolécules, engendrant des propriétés tel que l’effet CISS, la machinerie cellulaire est capable de transférer des électrons de très haute énergie avec 100% d’efficacité – un niveau d’efficacité habituellement observé dans les supraconducteurs.

La structure chirale nonamérique du complexe périphérique de récolte de la lumière (LH2). Vue perpendiculaire au plan de la membrane et vue parallèle à la membrane. Le polypeptide α est coloré en jaune et le polypeptide β est coloré en vert.

 

A cause de l’effet CISS, le transfert des électrons dans les molécules chirales dépend de leur spin. Le phénomène est particulièrement visible dans la transmission des électrons sélectionnés par leur spin respectif, à travers des monocouches auto-assemblées d’ADN à doubles brins. Dans ce cas, la polarisation du spin est plus grande que dans n’importe quel filtre à spin connu et les photoélectrons à spins polarisés sont observables même lorsque les photoélectrons sont générés avec de la lumière non-polarisée.

Schéma décrivant les monocouches d’ADN à double brin comme des filtres à spin. Des électrons non-polarisés sont émis depuis le substrat d’or par une lumière polarisée linéaire. La majorité des électrons transférés à travers l’ADN ont leur spin polarisé antiparallèlement à leur vitesse. Les électrons qui ne sont pas transmis sont capturés par l’ADN et renvoyés au substrat de base dans le laps de temps entre deux émissions de laser.

 

Dans un récent article, un modèle numérique a été proposé pour comprendre l’effet CISS. Xu Yang de l’Université de Groningen a présenté un modèle de transmission électronique qui évalue le rôle de l’effet CISS dans des expériences de transport d’électrons en régime linéaire à deux terminaux et multiterminaux. L’expérience révèle que pour l’effet CISS la transmission du spin chirale-dépendant est accompagné par un processus de renversement du spin de la réflexion de l’électron.

 Cela serait une immense contribution pour la société, car cela pourrait permettre une toute nouvelle approche de l’avenir de l’électronique.

 

PERSPECTIVE AVEC LA RSF :

Les effets du spin des électrons sur la biologie moléculaire illustrent à quel point la mécanique quantique est intimement liée à la biologie moléculaire. Cela nous montre également comment la nature utilise les informations quantiques à la manière d’un ordinateur quantique pour stocker et gérer des données dans ces disques durs principaux. Et tout tourne (spin ! en anglais).

 

Note de Nassim Haramein : « Lorsque nous étudions les systèmes physiques dans la nature, nous pouvons aisément voir qu’il y a des schémas fondamentaux qui peuvent être observés à toutes les échelles. »

 

Article original : https://www.resonancescience.org/blog/Natures-effective-way-of-conducting-electrons

Traduction proposée par Hugo Charles et relue par Olivier Thomas

 

En savoir plus (en anglais) : 

Phys.org: Theoretical model may help solve molecular mystery

Physical Review B:  Spin-dependent electron transmission model for chiral molecules in mesoscopic devices

ACS Publication: Proteins as Solid-State Electronic Conductors

Physicial Chemistry Letters: Chiral-Induced Spin Selectivity Effect

 

 
 Unified Science Course  Unified Science Course  
Partagez cet article avec vos amis !

 


Inscrivez-vous gratuitement au Cours de Science Unifiée en ligne !

 
Close

50% Complete

Two Step

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit, sed do eiusmod tempor incididunt ut labore et dolore magna aliqua.